La grève des journalistes du Journal du dimanche, qui a débuté jeudi dernier, est maintenue au moins jusqu’à mercredi 28 juin 2023. Le mouvement intervient après l'arrivée comme directeur de la rédaction de Geoffroy Lejeune.

Le Journal du dimanche (JDD) n’est pas paru, dimanche 25 juin 2023. Le mouvement de grève, entamé jeudi dernier, a été officiellement maintenu par la rédaction, au moins jusqu’à mercredi. Une situation provoquée par l’arrivée de Geoffroy Lejeune à la tête du média.

Le journaliste d’extrême droite, fraîchement débarqué de l'hebdomadaire Valeurs actuelles, est rejeté par la quasi-totalité de la rédaction. Officielle depuis vendredi soir, cette arrivée est une “ligne rouge”, d’après la société des journalistes (SDJ) du JDD.

“Renoncer au passage en force”

La SDJ demande par conséquent à la direction de renoncer à cette nomination. Concrètement, la rédaction du JDD “refuse d’être dirigée par un homme dont les idées sont en contradiction totale avec les valeurs du journal”, ajoute t-elle dans un communiqué.

En soutien, 30 sociétés de journalistes ont dénoncé l’arrivée de Geoffroy Lejeune, dans une tribune publiée dimanche : “Face au rejet massif exprimé depuis l’annonce, nous demandons aux propriétaires du JDD de renoncer à toute volonté de passage en force”.

Parmi les signataires, l’ancien directeur de Paris-Match et du JDD, Hervé Gattegno, licencié en 2021, ainsi que Cyril Petit, à la tête du Journal du dimanche jusqu’en 2022. Geoffroy Lejeune succède à Jérôme Béglé, nommé directeur de la rédaction de Paris-Match.

De son côté, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak a affirmé dimanche qu’elle comprenait les inquiétudes de la rédaction, tout en “s’alarmant” pour les “valeurs républicaines” prônées depuis la création du Journal du dimanche en 1948.

Geoffroy Lejeune

Né en 1988, le journaliste de 34 ans à longtemps dirigé la rédaction du journal d’extrême droite “Valeurs actuelles”, à partir de 2016. Son parcours est marqué notamment par son engagement très à droite, ainsi que par ses prises de position souvent controversées.

Sous sa direction, “Valeurs actuelles” a maintenu une ligne éditoriale résolument conservatrice, s'opposant souvent aux politiques d'immigration, à l'islam, et adoptant une posture critique envers certains mouvements sociaux.

Le journal a été accusé à plusieurs reprises de propager des idées xénophobes, racistes et discriminatoires, ce qui a conduit à des poursuites judiciaires, intentées par des associations anti-discrimination, ou d’organisations de défense des droits de l'homme.

Après une publication en août 2020, représentant la députée Danièle Obono en esclave, LCI avait écarté Geoffroy Lejeune de son antenne. Condamné en première instance pour “injures à caractère raciste”, il avait été relaxé par la cour d’appel en novembre 2022.

Empire Bolloré

Après avoir pris les rênes du groupe Vivendi en 2014, et donc de Canal+, Vincent Bolloré avait lancé une offre publique d’achat (OPA) pour racheter les médias du groupe Lagardère, en septembre 2021. Après une longue bataille juridique, il a obtenu gain de cause.

La Commission européenne a approuvé, le 9 juin dernier, la fusion entre les deux entités. En contrepartie, Bruxelles a demandé au milliardaire de céder ses activités dans le magazine “Gala”, craignant un manque de concurrence dans le secteur.

Partout où il passe, Vincent Bolloré impose sa vision des médias au sein de ses rédactions. Canal+, i-Télé, Europe 1, le milliardaire a multiplié les conflits avec les journalistes, entre licenciements abusifs, changements de ligne éditorial et suppressions d’émissions.

Plus récemment, le rédacteur en chef politique et économie de Paris-Match, Bruno Jeudy, a été licencié après avoir, selon la rédaction, “critiqué” à plusieurs reprises “l'ingérence” de la direction dans les choix éditoriaux. La décision avait provoqué la démission de 25 personnes.