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Crédit photo : NP/Newestpost/Scorcom - Image d'archives d'un journaliste filmant une manifestation

Actualité / Société

Justice : les journalistes ne sont pas protégés en dehors de leur fonction

Dans sa décision du 16 juin 2022, la chambre de l'Instruction de la cour d'Appel de Lyon entérine le fait que les journalistes français "ne peuvent prétendre à leur statut professionnel dans le cadre de leur vie personnelle". Même en cas de violation de la loi sur la protection du secret des sources.

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse manque-t-elle de clarté, notamment s'agissant de la protection juridique des journalistes professionnels en dehors de leur fonction ? Depuis 2011, l'article 56-2 du code de procédure pénale prévoit des dispositions particulières, mais seulement dans le cadre d'une perquisition.


En revanche, les articles 2 et 3 de la loi sur la liberté de la presse ne prévoient aucune disposition particulière, laissant planer le flou sur les poursuites à engager par la justice contre un journaliste professionnel dans une affaire à caractère personnel.


L'article 2 précise, que : "le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public". N'excluant pas que ces "missions" peuvent avoir un lien de cause à effet avec la vie personnelle desdits journalistes, et sans préciser si ladite protection est exclusivement réservée au seul exercice professionnel.


Pourtant, le législateur est clair. Pour éviter toute violation du secret des sources "au cours d'une instruction", les enquêteurs doivent déterminer si les faits reprochés, délit de presse ou de droit commun dans le cadre de la vie privée, représentent un "impératif prépondérant d'intérêt public".


En somme, le parquet, la police, la gendarmerie, et/ou un juge d'instruction, doivent clairement établir si les fait reprochés à un journaliste nécessitent une entorse à la loi sur la liberté de la presse et la protection du secret des sources, avant toutes poursuites.


La loi du 29 juillet 1881


De manière générale, quelle que soit la procédure judiciaire ou administrative en cause, "il ne peut être porté atteinte au secret des sources des journalistes qu'à titre exceptionnel et lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie". Voilà ce que dit la loi française.


Ensuite, le cas échant, libre à la chambre de l'Instruction ou à d'autres instances d'en évaluer le degré et la légalité, notamment au regard des demandes des plaignants et parties civiles. Hors, dans cette affaire saisie le 16 juin 2022 devant la cour d'Appel de Lyon par un journaliste, les enquêteurs ont ignoré le statut professionnel de l'accusé.


Une négligence en forme d'ignorance de la loi, qui devait provoquer la nullité de la procédure, et au passage mettre en cause toute la chaîne judiciaire : PJ, parquet et magistrat instructeur. Mais, sans surprise, au regard des probables conséquences, la justice a fait le choix de réinventer le code de procédure pénale, notamment pour se protéger.


Dans sa décision du jeudi 16 juin 2022, la chambre de l'Instruction de la cour d'Appel de Lyon affirme ainsi que le journaliste plaignant "ne peut prétendre à son statut professionnel dans le cadre de sa vie personnelle". Même si la procédure judicaire est susceptible de violer la loi sur la protection du secret des sources.


Chose invraisemblable, la justice française renvoi de fait le statut de journaliste professionnel au rang de simple considération juridique, tout en prenant le risque de voir son point de vue retoquer par la cour européenne de Justice. Cette dernière peut en effet obliger le législateur français à revoir sa copie ou préciser son propos.


Des conséquences extrêmement préjudiciables


Les conclusions de la chambre de l'Instruction ouvrent aussi une boite de Pandore, permettant à quiconque de prétexter un délit ou un crime pour régler des comptes avec la presse ou un journaliste personnellement, notamment s'agissant de la police et la gendarmerie.


L'un des prétextes utilisé par ces derniers : l'accusation d'agression sexuelle et/ou de viol. Cette dernière, permet le plus souvent l'ouverture d'une information judicaire, parfois exclusivement sur la base d'un témoignage, de la mise en examen du journaliste, et de son placement sous contrôle judicaire, l'empêchant de faire son travail tout en s'accordant le droit d'accéder à ses sources.


Plus largement, les forces de l'ordre n'aiment pas faire l'objet d'accusation d'entrave à la liberté de la presse, et/ou de violences policières, et n'hésitent plus à remettre en cause le statut des journalistes, par exemple lors de manifestations, pour ensuite les accuser soit d'outrage, de rébellion, de refus d'obtempérer, ou pire de violence contre une personne dépositaire de l'autorité publique.


Dans de nombreuses juridictions de l'Hexagone, certains médecins malveillants sont d'ailleurs là pour les soutenir dans leurs démarches, en leur faisant bénéficier de jours d'ITT, justifiés ou non, permettant ainsi aux policiers et gendarmes de "prouver" leurs accusations et obtenir gain de cause, notamment via des dommages et intérêts.


La pratique, somme toute très courante, permet essentiellement d'arrondir les fins de mois des fonctionnaires, et de regonfler au passage leur orgueil, tout en sauvant la face dans les médias et auprès de leurs hiérarchies.


Une trentaine de propositions ?


Mais les conséquences pour le journaliste peuvent être extrêmement préjudiciables, comme une amende, une peine de prison, et/ou l'inscription d'une condamnation au casier judiciaire. Une arme très efficace pour se débarrasser d'un journaliste un peu trop gênant à leurs goûts.


Un rapport accablant d'une commission indépendante sur les relations entre la presse et les forces de l'ordre, présidée M. Jean-Marie Delarue, ancien président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, a bien été remis à l'ancien Premier ministre, Jean Castex, le 2 avril 2021, mais, depuis, rien.


Pourtant, le texte fait une trentaine de propositions, dans un contexte de dégradation constante des relations entre la presse, les journalistes et les autorités françaises, notamment après le mouvement des "gilets jaunes" et la pandémie de Covid-19. Pas sûr que la décision de la chambre de l'Instruction de la cour d'Appel de Lyon puisse arranger les choses.

Cour d'Appel


Publié le 11/07/2022 à 13:27, J.B C.

Publié le

11/07/2022 à 13:27

Mis à jour le

17/02/2023 à 12:36

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Newestpost

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J.B C.

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